mardi 25 avril 2017

Une éternité bâtie d'éphémère

©ARySQUE

Quand on arrivait dans le passage Beslay par la rue de la Folie-Méricourt, elle vous accueillait discrètement, respirant le parfum de sa fleur, sous son soleil fil de fer. C'est à peine si on la voyait. 
C'est dire si elle dérangeait peu. Tout juste distrayait-elle les passants qui laissaient traîner leurs yeux sur les jardinières, les enfants surtout, parce qu'ils l'avaient à portée de regard.

Faut dire : quand on l'observait du côté de l'école maternelle, elle se faisait plus visible avec son foulard coloré et sa boucle d'oreille en pétale de rose. Quand il ventait, elle poussait même l'indiscrétion jusqu'à faire tinter la clochette de son œil et l'on tournait la tête, étonnés de la trouver là.



Je ne connais pas son nom. En fait, elle n'a pas eu le temps d'en avoir un.
Ce matin, elle avait disparu, sous l'acharnement de quelque malveillance. 
On n'avait pas même pris soin de la dévisser soigneusement pour l'emporter au chaud. Elle eut la tête arrachée sans ménagement, après que son soleil, bien des jours auparavant, se fut couché définitivement. 
Sa fleur fut tordue mais résista à l'assaut. Je veux croire que son coeur constitué des gants que les enfants avaient salis en peignant ces jardinières lui ont donné la force de tenir.

La découverte m'a pincé le cœur. C'est triste une rose mangée par un mouton… 

Et puis je me suis souvenue que je le savais bien, que nous avions prévu cela : dans le Jardin des connaissances tout est périssable et chaque espèce implantée n'est pas sûre de tenir. Ainsi va le street-art, ainsi vont les jardins : une éternité bâtie d'éphémère.

Alors, j'ai regardé les fleurs qui poussaient dans les jardinières et je fus rassurée : des voisins bienveillants avaient équilibré le vivre-ensemble dans le passage Beslay.
Là, on avait planté de nouvelles fleurs, sans laisser de nom, juste pour donner. (Merci)



Dans plusieurs jardinières, les capucines semées avec Cyril étiraient vers le soleil leurs premières feuilles délicates. 



A côté, les campanules qui souffraient sur mon balcon il y a quelques semaines encore, prenaient leurs aises violines.



"Ils peuvent venir, les tigres, avec leurs griffes" (*), ai-je pensé. 
Parce que demain, avec les enfants des écoles, nous avons rendez-vous avec des poissons-poètes qui vont venir s'installer dans le passage. Il paraît même qu'on affichera aussi les premiers articles de la Déclaration des droits de l'homme, signée à l'ONU en 1948, et notamment le tout premier :
" Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité."
A bientôt.

(*) le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupery

vendredi 21 avril 2017

Une abeille se rendant aux urnes…



Sortie des écoles passage Beslay, vendredi 21 avril.
Le soleil est presque au-dessus du passage et dans la lumière qui se glisse le long du mur, une abeille empressée m'invite à venir promptement découvrir une nouvelle espèce de fleurs qui serait née — dit-on dans les milieux informés — dans le Jardin des connaissances, sis passage Beslay, Paris onzième. Les botanistes l'auraient appelée Civiquacée et imputent sa floraison soudaine à proximité de deux bureaux de vote, à l'imminence des élections présidentielles.

Bigre ! pensais-je. Une nouvelle espèce de fleurs, j'y cours. 
En fait, j'en ai découvert trois. Les deux premières avaient poussé sur les murs de l'école élémentaire, dans la partie la plus étroite du passage.

La première avait, semble-t-il, quelques difficultés à s'adapter. 
La coccinellae sapiens arrivée au Jardin après la fête des coccinelles paraît en effet peu friande des pucerons chiffrovores qui ravagent les pétales des mathématicées à peine écloses. 



La seconde - la Bescherellis locace - semblait en revanche davantage tenir le coup.



Arrivée en bas du passage, je ne pouvais pas manquer les Civiquacées qui poussaient au pied de l'arbre à coccinelles sous ce qui semblait vouloir être une éclaircie. 



Toutes fleurs ouvertes et cernées de noir, les civiquacées dévoilaient des cœurs présidentiels et des feuilles constitutionnelles, comme si le Jardin des connaissances s'était préparé pour accueillir les électrices et les électeurs de dimanche prochain.





©ARySQUE

Alors j'ai quitté le passage en me disant que ce lieu était de plus en plus vivant et qu'il avançait avec son temps… 
En partant, j'ai jeté un dernier regard sur les fleurs fraîches qui sortent aussi de la terre.




Bon week-end.
Et bon dimanche passage Beslay.

jeudi 6 avril 2017

Floraisons en mois de Germinal



Première semaine d’avril, passage Beslay.
Sur fond de marteaux-piqueurs (gilets jaunes et casques rouges s’activent rue de la Folie-Méricourt), le passage Beslay a doucettement ralenti. Les enfants en vacances sont moins nombreux dans les écoles et les ateliers en plein air marquent une pause.


A 150 millions de kilomètres de là, le soleil est encore un peu timide, mais la lumière s’impose peu à peu sur les nuances pigmentaires des jardinières.



Au Jardin des connaissances, de nouvelles plantes ont poussé, à commencer par de petits moulins à vent offerts par LaBel Recup’.



Quelques campanules ont aussi été replantées et on attend avec impatience les radicelles de capucines semées, qui devraient vite percer la terre en quête de lumière. Moins protégées qu’une rose par de petites pancartes tentant d’imposer le respect, elles vont quand même devoir se battre un peu…


Sur les murs, on a vu sortir de nouvelles espèces qu’on ne trouve qu’au Jardin des connaissances :
D’abord, il y a l’arbre à coccinelles qui garde l’œil ouvert. Chacune de ses feuilles a été dessinée par un convive de la Fête des coccinelles du 26 mars. Certains d’entre vous reconnaîtront la leur.


Ensuite, une nouvelle espèce de coccinelle est venue s’ajouter aux 6000 existantes. Je vous présente la coccinellae sapiens.


Puis, des feuilles soufflées par le vent depuis les rues voisines remercient les artistes et les commerçants qui nous ont prêté main-forte pour ces premiers enjardinements.






Enfin, comme les panneaux électoraux viennent tout juste d’être installés sur les trottoirs, on s’est dit qu’il était grand temps de parler un petit peu de la république.



Voilà. 
Ce matin, avec mon appareil photo j’ai monté et descendu le passage plusieurs fois pour conserver en images ces toutes premières floraisons qu'on attendait. J’ai pu aussi constater que le chien propre indiquait désormais le chemin des poubelles.


Et puis — surprise ! (les jardins sont ainsi, souvent prolixes en petits miracles) —  alors que j’allais quitter le passage vers le soleil de la rue de la Folie-Méricourt, je découvris, blotti à l’abri du vent entre deux colonnes d’eau, tout embrasé dans son coin d’ombre, un cœur qui se cachait à peine.
On ne sait rien de lui sinon un nom — Low —, mais cette fleur sauvage m’a chauffé le cœur ! Bienvenue à elle dans le Jardin des connaissances.