jeudi 6 juillet 2017

Maintenant qu'il est né, "il faut cultiver notre jardin"


Fin d’après-midi dans le passage Beslay. Mardi soir.
L’ombre d’un ailante — ces grands arbres qui rafraîchissent le passage les mois d’été — se dessine délicatement couleur sépia sur le pignon qui ferme au nord la petite placette devant l’école maternelle. Comme un soleil sur un dessin d’enfant, il surligne dans son bord supérieur droit, ce mur que nous venons d’habiller.
Bienvenue dans le Jardin des connaissances !

Flashback.
Lorsqu’en décembre dernier, je présentais aux autres membres du Collectif Passage Beslay, le projet de création du Jardin des connaissances, j’avais découpé la partie piétonne en deux espaces : au nord, l’allée des connaissances ; au sud le Jardin des connaissances. Pourtant, jusqu’à ce mardi soir, je restais sur ma faim : l’allée et le jardin se ressemblaient trop. Je n’avais pas réussi à suffisamment différencier ces deux espaces.

Et puis, le 26 juin, sont arrivées les premières fleurs gigantesques créées par les travailleurs handicapés de l’Esat-Anrh Maurice Pilod avec Marie, leur professeur d’arts-plastiques. 


D’abord, elles me désorientèrent par leur taille démesurée, avant de m’éblouir par leur gaité et leur liberté. 
Pourtant, j’étais embarrassée. Je craignais de manquer de place, que l’équilibre soit rompu et que les travaux des enfants, plus légers, ne soient étouffés par l’éclat de ces créations. Je comptais toutefois sur un joker : il restait un pignon à peindre au dessus des jardinières du fond, pour lequel nous avions demandé l’autorisation de coller à la copropriété. L'assemblée générale se réunissait le soir même…

Bingo ! Le 27 juin autour de 18h30, alors que nous dressions la table pour accueillir les convives de la soirée Hommage à Jean Zay, Magali m’annonçait que "oui, OK pour tout : le collage tout de suite et une treille l’année prochaine."

Alors, malgré la pluie qui nous a cernés toute la semaine, on a dignement inauguré le Jardin des connaissances : on a rendu hommage à Jean Zay et on a fêté l'été avec Yu Man qui dort désormais à la librairie la Tête ailleurs. On l’a promené de Beslay au jardin partagé Truillot et avec lui, on a continué à créer pour les murs du passage, en dessinant sur des fleurs ou sur la nappe.










On était super motivés ; nous savions qu’on ajouterait un cadeau Bonus avant de partir en vacances: créer quelque chose tout de suite sur le mur du fond, pour que cela ressemble de toute évidence à un jardin peint, pour que ça saute aux yeux dès la rue de la Folie-Méricourt ; pour qu’on ait là, un jardin et là-haut, une allée. 

Ainsi, hier et avant-hier, avec Margot et Alexandre R., on a collé les derniers dessins et textes, réparé ce qui avait été saccagé et renforcé ce qui devait l’être. Ce matin, je savoure la fin de ma mission, même si je sais qu'elle ne s'arrêtera pas vraiment avant longtemps. Et je suis comblée : les enfants et les parents sont heureux, les personnes âgées se réjouissent des murs qui changent, on ralentit le pas dans le passage pour lire les murs. 
Mieux encore, on redécouvre la beauté du passage Beslay. Désormais, au Jardin des connaissances, nos yeux se promènent sur les pierres et l’on remarque enfin les ombres que dessinent les ailantes sur les façades du passage. Ces murs sont des écrans où la lumière danse et quand le soleil rase les toits de la rue de la Folie-Méricourt, c'est un enchantement de feuillage !

La création du Jardin des connaissances est donc terminée. Merci encore une fois à tous ceux qui ont créé les plantes de ce jardin au fil des mois. Et merci aussi aux street artistes qui sont venus enrichir ce jardin : Fred Le Chevallier, Le Bichon, Low et ceux dont j'ignore le nom. C'était un bonheur de vous découvrir comme des fleurs inattendues.

Mais qu'on se le dise : c'est maintenant que tout commence. Maintenant que le Jardin des connaissances est né, nous avons la responsabilité d'en prendre soin. Il en va toujours ainsi avec les jardins.

Parce qu’on ne va pas se mentir : le Jardin des connaissances est exposé aussi à des vents mauvais. On y boit, on y fume, on y squatte, on y pisse, on y saccage… Seules les fleurs sauvages ont pu croître, les autres ont été systématiquement pillées ou arrachées. Trois arbres décorés ont dû être réparés ainsi que plusieurs feuilles et des abeilles, un arbre n'a pas pu l'être, etc. 
C’est pour cela que le Jardin des connaissances n’est pas une œuvre statique, pour cela que c’est un jardin : nous savons que ses plantes, végétales ou peintes, peuvent périr et devront être remplacées. Nous savons qu’il faudra en prendre soin.

C'est pour faire vivre ce jardin, qu’à la rentrée, nous engagerons de nouveaux projets, notamment pour végétaliser davantage et mieux devant l’école maternelle, et pour continuer de raconter les écoles et le quartier en poétisant les murs du passage. 

En attendant, soyons tous vigilants. 
Alors si, cet été, quand les écoles seront fermées, vous trouvez dans le passage, des branches d’arbres ou des feuilles décorées par les enfants qui auraient été arrachées, merci de les déposer à La Bel Recup’, juste en face du passage dans la rue de la Folie Méricourt, ou à la librairie La Tête ailleurs (42 rue de la Folie Méricourt). 
Quand on récupère les morceaux, souvent, on peut réparer. A défaut, c'est plus compliqué.


Surtout merci à tous. 
Vous tous, mes chers voisins et désormais compagnons de jardinage, amis de cœur (de la fleur). Merci d'avoir rendu possible cette création collective qui révolutionne — je crois pour longtemps — mon approche artistique. Vous n'avez pas idée de l'immense bonheur qui m'étreint quand je pense à ce que nous avons créé ensemble : du lien social, la fierté des écoles, des enfants et de leurs parents…  
Surtout, il me semble qu'en créant ce jardin, par le truchement imprévisible de l'art, un quartier tout entier, avec les écoles et l'implication de multiples acteurs généreux et soucieux de vivre ensemble, a repris possession d'un bout d'espace publique. C'est juste énorme ! 

Ah Socrate tu as tord ! L'art est excessivement utile. C'est le poète qui a raison : "Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté. (René Char)".
Bienvenue au Jardin des connaissances.
ARySQUE

mardi 4 juillet 2017

Passage Beslay for ever

La transformation du passage Beslay c'est une histoire ancienne, actuelle et surtout pleine d'avenir. Et c'est avant tout une histoire de femmes, d'hommes et d'enfants du quartier et même d'ailleurs.

©ARySQUE; Hommage à Jean Zay, Le Jardin des connaissances, Passage Beslay, 2017. 

Une histoire ancienne qui traduit la volonté continue des habitants du quartier 
D'abord, c'est l'histoire de Charles Beslay. 
Entrepreneur breton et républicain, il avait installé son atelier de construction de chaudière de locomotive au 17, rue neuve Popincourt, à l'angle de l'actuel passage Beslay. Très populaire, il fut élu Député de Pontivy sans même se présenter. Il fut ensuite président de la commune de Paris en sa qualité de doyen d'âge. Enterré au Père Lachaise, il repose maintenant en haut du boulevard des coccinelles que nous voulons construire.

Plus récemment, c'est l'histoire de Monique, de Louis, de Daniel, de Marianne, et de tous ceux du Conseil de quartier et des école, et aussi celle des parents engagés dès la première heure pour améliorer le passage Beslay, en y installant les premières jardinières et en organisant les premières fêtes du passage.


Une histoire actuelle et collective qui traduit l'identité du quartier : le faire ensemble de gens d'horizons divers 


Le passage Beslay, c'est aujourd'hui l'histoire d'ARySQUE, de Véronika et de tous les artistes, en herbe ou confirmés, qui ont cru qu'un “notre” passage était possible
C'est l'histoire d'Isabelle, d'Hélène, de Laurette, de Sylvie, de Ludivine et de Katia, des instituteurs de Beslay et de tous les personnels des communautés éducatives des deux écoles.
C'est l'histoire de Demba, de Léolu, de Raphaël et des sans domicile habitant dans le jardin des moines de Tibhirine.
C'est l'histoire de Djaffar, de Sokuba, et de tous les travailleurs handicapés de l'Esat Anrh Maurice Pilod.

C'est surtout l'histoire de Leïla, d'Octave, d'Anatole et de tous les enfants des écoles Pihet, Beslay et du Petit d'Homme qui ont participé à la création du Jardin des connaissances.
 
C'est l'histoire d'Isabelle, de Maryse et de Sophie, d'Arnaud et d'Axel, de Lionel et de Victor, de Gaellia et de tous les commerçants, en particulier ceux de la rue de la Folie-Méricourt
C'est aussi l'histoire de Francois, de Joëlle, de Victor et de Lola, de la SLA et de tous les élus et services de la mairie du 11e arrondissement de Paris qui nous en prêté main forte.
C'est l'histoire d'Alexandre, d'Hélène et de Delphine et de tous les parents d'élèves.

Toutes ces personnes ont construit le Jardin des connaissances avec la volonté  de faire quelque chose ensemble pour améliorer le quartier.



Chorale des enfants de l'école Pihet dans le passage. 
Au premier plan, de g. à d., Hélène Mouchard-Zay,  Joelle Morel, élue aux espaces verts, et François Vauglin, maire du 11e

Une histoire pleine d'avenir qui traduit une démarche d'ouverture et d'interdisciplinarité 
Pour l'avenir, c'est l'histoire de Jean Zay, ministre de l'éducation nationale et des Beaux-Arts du gouvernement du Front populaire conduit par Léon Blum.
Jean Zay représente l'avenir grâce à son travail très moderne, croisant plusieurs disciplines, participant à la démocratisation du système scolaire et de la culture, et en se fondant sur la confiance dans les initiatives locales et des innovations.
Nous lui avons rendu hommage pour l'ouverture de ce jardin et sommes très fiers de la présence de sa fille Hélène, qui a témoigné de sa solidarité avec ce projet de Jardin de connaissances.

C'est un morceau de son histoire aussi

Pour conclure, le Jardin des connaissances c'est l'histoire de tout un quartier, chacun pouvant apporter sa pierre à l'œuvre collective. Alors engagez-vous pour mieux vivre ensemble et améliorer notre quotidien !


Alexandre